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société, environnement, économique de la RDC
24 juin 2020

Les propositions de lois Minaku-Sakata sonnent l'inféodation de la justice

 

En 18 ans de règne de Kabila et près de 7 ans de présence d’Aubin Minaku à la tête de la Chambre basse du Parlement, avec en prime une abondante production législative, l’ex-speaker n’a point nourrir l’ambition de revisiter la loi sur la justice. Un an seulement après que leur régime a été placé entre parenthèses et surtout au regard de l’indépendance qu’affiche la justice avec le nouveau régime, les caciques du régime Kabila passent des nuits d’insomnies. Aussi les laboratoires ont été activés pour mettre au point la recette pouvant mettre à l’abri les dignitaires de l’ancien du rouleau compresseur de la justice qui déroule impitoyablement. Cette justice sans état d’âme qui arrête tout celui qui enfreint aux lois de la République. Cette justice qui vient mettre fin au règne des intouchables chatouille parmi les affidés du Front commun pour le Congo qui ont passé 18 bonnes années à se vautrer dans la mégestion des deniers publics, la corruption et des détournements couverts par l’impunité instauré en mode de gestion de la res publica  de janvier 2001 à janvier 2019. Trop, c’est trop. Les Congolais aspirent sans atermoiements au changement, ici et maintenant. Ils y croient fermement avec les signaux donnés par le nouveau président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, comme pour dire « le régime des juges » est préférable que celui des « intouchables ».

Minaku

La marge de manœuvre du pouvoir judiciaire, mieux le réveil de conscience des juges sous Félix Tshisekedi démontre que l’Etat de droit est un credo, un idéal soutenu par la majorité silencieuse, contrairement à ceux qui ont pensé à slogan « creux ».

Dans cette démarche qui prend de l’élan, tenter de soumettre les magistrats sous le régime d’injonction du ministre de la Justice est plus qu’un crime de lèse-majesté. Et laisser faire sans agir, c’est consacrer la récession de la démocratie congolaise, acquise au prix d’énormes sacrifices. C’est pour  cette raison que toutes les voix s’élèvent pour dénoncer l'instrumentalisation politique de la justice à travers des réformes concoctées dans des laboratoires politiques du Front commun pour le Congo (FCC) dans le but de faire perdurer la délinquance politique instituée en système de gestion de la cité depuis des lustres.

Sinon comment allons-nous expliquer que ces lois qui étaient bonnes entre 2011 et 2018 et que subitement on découvre qu'une justice indépendante n'est pas démocratique ?

Les auteurs de ces propositions de lois « démocraticides » font un réveil suspect au lendemain de la réconciliation entre le peuple et sa justice. Il se pose ainsi une vraie question d'opportunité (in tempore suspecto). Et en même temps, la démarche du FCC traduit la peur qui gagne petit à petit ceux qui ont eu et qui ont les charges de l'Etat. Leur gestion de la chose publique a tellement laissé beaucoup de cadavres dans les tiroirs qu'ils ont peur de l'indépendance de la justice. Cette justice dont les textes légaux ont été élaborés à la taille de l'ancien président de la République.

Sinon, quel est l’éclairage dans les affaires telles que Bukanga-Lonzo, FPI, bradage du patrimoine national avec Jeanine Mabunda comme ministre du Portefeuille, le bradage de la Gecamines, la gestion catastrophique de l'Assemblée nationale et du Sénat, les massacres et différents génocides perpétrés sur l'étendue de la République et principalement dans l'espace Grand Kasaï avec le phénomène Kamuina Nsapu,...

Les magistrats montent au créneau

Concernés directement, le Syndicat Autonome des Magistrats du Congo (SYNAMAC) est monté au créneau, lundi 22 juin, pour dénoncer les propositions de loi sur la réforme judiciaire initiées par le duo FCC Aubin Minaku-Garry Sakata.

Magistrat congoalis

Selon ce syndicat, ces propositions des députés FCC n’apportent rien de nouveau à la magistrature congolaise, plutôt, elles musèlent le pouvoir judiciaire en plaçant le ministère public sous la bannière du ministre de la justice.

Pour contrer cette réforme « inopportune » et « anticonstitutionnelle », c’est finalement la levée de boucliers. Les magistrats sont convoqués, de toute urgence, en Assemblée générale extraordinaire ce mercredi 24 juin 2020 à 13 heures en la grande salle d’audience de la Cour d’Appel de Kinshasa-Matete, à Limete.

Le document de convocation précise qu’au regard de l’importance des enjeux de l’heure, une mobilisation la plus large possible est exigée.

Entretemps, les collègues des ressorts des provinces sont invités à signer le texte de la pétition qui sera mis à la disposition de tous.

L’UDPS menace et passe en action

Pour contrer ce plan maléfique à la démocratie congolaise, la base de l'UDPS fait le boulot. Une catégorie de jeunes gens qu’on appelle les wewa (Moto taximen) ont fait hier mardi 23 juin en début d’après-midi le blocus du Palais du peuple, siège du Parlement. Ils ont barricadé les entrées. Et comme dans de tels mouvements, des dérapages sont souvent inévitables, le rapporteur de l’Assemblée nationale a déploré le fait que des véhicules de certains députés ont été caillassés. Ces jeunes gens ne veulent pas entende parler de trois propositions de lois portant réformes judiciaires initiées par les députés Aubin Minaku et Garry Sakata.

Mainfestants UDPS

Finalement, un important dispositif des éléments de la police a été déployé sur place pour maîtriser ces motocyclistes.

Leur action est certes consécutive à la position de leur parti qui se lève contre les trois propositions de lois.

Dans un communiqué publié lundi 22 juin dans la soirée, le parti de Félix Tshisekedi a dénonce les « manœuvres » utilisées par leur allié pour « violer la constitution en voulant entamer l’indépendance de la magistrature ».

L’Udps voit à travers ces initiatives une façon de « donner un coup dur à la politique de l’État de droit tel que vécu actuellement ». Elle appelle ainsi le FCC à retirer ses propositions.

Et sans tergiverser, « l’Udps invite le FCC à retirer ses trois propositions de loi jugées inopportunes et inconstitutionnelles tendant à violer le principe de l’indépendance de la magistrature », peut-on lire dans le communiqué.

Le parti met aussi en garde la plateforme de Joseph Kabila contre toute tentative d’effectuer un passage en force : « Au cas où le FCC s’obstinerait dans sa logique d’imposer sa volonté au peuple congolais par un passage en force, l’UDPS se réserve le droit d’opposer à la majorité artificielle au palais du peuple, la majorité populaire, véritable détentrice du pouvoir ».

LAMUKA élargit le cercle

La coalition de l’opposition « LAMUKA » s’invite dans le rang des protestataires.

Leaders Lamuka 2

A travers un communiqué, la coalition qui regroupe Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Martin Fayulu et Adolphe Muzito a donné de la voix : « En dépit de la consécration constitutionnelle de la séparation des pouvoirs, les trois propositions de lois tendent à faire des procureurs de la République des commissaires du Gouvernement, donc des agents du ministre de la justice au mépris de l’indépendance d’action des membres du parquet ».

Pour LAMUKA ces propositions de lois sont une véritable entrave au travail du magistrat.

« Ces trois propositions de lois présentent un risque certain non seulement d’intrusion du Gouvernement dans l’activité quotidienne du magistrat et celle du conseil supérieur de la magistrature mais aussi porte en elle un risque certain d’inanition de l’action du ministère Public», fustige LAMUKA.

La coalition LAMUKA met ainsi en garde l’Assemblée nationale et invite le peuple Congolais à barrer la route à ces propositions de lois, comme en janvier 2015 où face à la contestation populaire, le camp du président congolais Joseph Kabila avait reculé en annonçant le retrait d'une disposition litigieuse d'un projet de loi électorale, à l'origine de violences meurtrières dans la capitale.

 

Lois Minaku-Sakata : lecture de fond d’un praticien de droit

Didier Mfumu, un patricien de droit a fait une lecture de l’exposé des motifs de la proposition de loi modifiant le statut des magistrats.

Au delà des éléments d’inconstitutionnalité, souligne-t-il, il a dégagé des idées forces qui soutiennent le but poursuivi par les initiateurs. Suivant cette loi :

- les officiers du ministère public ou magistrats du parquet ne peuvent jouir d’une indépendance dans leur mission de rechercher les infractions, de poursuivre les auteurs présumés et de les déférer devant le juge;

- le parquet ne peut mener son action que suivant l’option levée par le ministre de la Justice de qui il dépend, car placé sous son autorité;

- le parquet ne fait plus partie du pouvoir judiciaire et est placé sous le pouvoir hiérarchique du ministre de la justice qui a le pouvoir d’orientation dans l’instruction d’un dossier (c’est à dire il fixe la ligne de conduite); le pouvoir d’impulsion positive; le pouvoir d’instruction (donner des directives à l’OMP); le pouvoir de contrôle du travail du parquet; le pouvoir de suivi de la carrière des magistrats du parquet et des avantages y relatifs ( le ministre pourra faire promouvoir ceux qui lui sont loyaux et recalés les autres);

- l’autorité confiée au ministre sur les OMP s’entend: du pouvoir de les commander; du pouvoir de leur imposer obéissance ; le pouvoir de les sanctionner ; le pouvoir de les récompenser (en leur donnant des grades en cas d’obéissance et d’autres avantages professionnels dont on ne connaît pas la nature)...

- en cas d’insubordination le ministre peut: suspendre le magistrat ; lui appliquer des sanctions disciplinaires

- de lege ferenda, les initiateurs de la loi préconise la réécriture harmonieuse (le choix des mots a son importance) des prérogatives disciplinaires du Conseil Supérieur de la Magistrature (c’est à dire qu’il faudra harmoniser les compétences du CSM en matière disciplinaire avec celles du ministre).

Au regard des éléments qui précèdent, le ministre de la Justice devient plus que le Conseil Supérieur de la Magistrature pour la simple et bonne raison que certains membres du bureau du CSM, en l’occurrence les procureurs généraux près les hautes cours qui ont préséance sur le ministre, deviennent ses subalternes qu’il peut sanctionner disciplinairement.

Les juges ne sont pas épargnés pour autant car ils sont aussi justiciables potentiels et peuvent être atteints par le ministre de la Justice via son bras séculier qu’est l’OMP à qui il peut donner l’ordre d’arrêter tel ou tel autre juge ou s’ouvrir les poursuites à leur encontre.

Ne perdons pas de vue qu’en matière pénale, le parquet est la plaque tournante en ce que c’est lui qui met en mouvement l’action public (surtout dans les dossiers des criminels gradés de l’administration qui ne peuvent être attraits par voie de citation directe).

En ayant en esprit (comme c’est le cas présentement) que le ministre de la Justice, en dehors d’être membre du gouvernement, a une obligation de loyauté envers un monstre juridique appelé “ autorité morale”, il va de soi que tout l’organe répressif de la nation doit vouer loyauté à l’autorité de leur autorité pour espérer récompense et avancement professionnel tel que préconisé par le duo Minaku-Sakata.

J’avoue ne pas saisir les contours de l’expression qui revient souvent dans l’écriture des initiateurs « la mise en œuvre de la politique pénale du gouvernement »  dont le ministre de la Justice passe pour l’acteur majeur.

Ceci, d’autant plus que suivant toute logique, la politique pénale du gouvernement est mise en œuvre par l’initiative des  règles pénales abstraites et impersonnelles que dispose celui-ci et non pas à travers un individu sujet à des sentiments, à des obligations envers d’autres individus, à des pulsions, à des instincts de survie....

minaku_aubin

 

 

 

 

 

 

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