Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
société, environnement, économique de la RDC
6 juin 2020

Procès 100 jours : Duel aux couteaux Kamerhe-Bilomba devant les juges à Makala

La 4ème audience du procès qui oppose la République démocratique aux prévenus Vital Kamerhe et consorts devant le Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe dans le cadre des enquêtes sur la gestion des fonds alloués au Programme d’urgence du chef de l’Etat, volet Maisons préfabriquées a vu défiler tous les témoins invités par le tribunal, à l’exception des fils Jammal en déplacement et du ministre John Ntumba qui était devant le juge de cassation. Une audience marathon qui s’est poursuivie jusque tard dans la soirée.

Vitala Kamerhe

Marcllin Bilomba

Détournement intellectuel

C’est vers la fin du procès qu’un pan de voile a été levé sur cette affaire. Avec la déposition de Marcellin Bilomba, conseiller principal Ecofin du chef de l’Etat, en connaisseur en la matière fort de son expérience de 25 ans, a chargé avec ferveur le directeur de cabinet du chef de l’Etat qui, à ses yeux, passe pour l’auteur et l’artisan de ce qu’il appelle « un détournement intellectuel ».

 « Et le responsable de ce désordre, c’est le directeur de cabinet du chef de l’Etat », a affirmé avec sérénité.

Avant de renchérir : « Avec cet argent remis à Jammal, on pouvait ériger des maisons ici. Est-ce qu’on avait une urgence d’avoir des maisons à 44 500 dollars. Moi je voyais la réserve internationale, c’est ce qui justifie la raison pour laquelle j’ai quitté la commission de coordination des travaux de 100 jours ».

Plus qu’une déposition, M. Bilomba a fait une dénonciation qui a laissé transparaître une guerre de clans au niveau de la présidence de la République.

« Il n’y a jamais eu de vraie coordination. Ce sont des coordinations de façade. Une coordination qui n’a pas élaboré de budget, qui n’a pas choisi parmi plusieurs prestataires… », a-t-il porté à la connaissance des juges.

Pour lui, c’est le directeur de cabinet qui en faisait un peu trop au nom du président. « Le président donne la vision, trace la voie mais ne donne pas le quitus au tripatouillage », a-t-il lâché visiblement excédé par les excès de Vital Kamerhe qui se croyait le seul dans le sérail à être dans les bonnes grâces présidentielles.

Ceci donne lieu à une protestation vigoureuse du directeur de cabinet du chef de l’Etat qui recadre son subalterne sur le rôle d’un dircab du président de la République, extrait du Journal officiel à l’appui. Sans oublier au passage que celui a émis de doute sur la qualité de bon économiste au conseiller Ecofin de Fatshi.

Avec un sourire moqueur, Marcellin Bilomba répond sèchement : « J’ai étudié à l’université de Genève, où on ne paie pour la réussite. Je suis économiste mathématicien ». Ce qui rabat le caquet au téméraire dircab trop haut perché et qui trouve quand même des ressources à menacer d’engager des poursuites contre cet agent de la présidence de la République des primes pour  siéger au comité de coordination sans travailler un seul jour. « Je dispose des piles de dossiers pour ça. Cela s’appelle détournement, monsieur ! », a menacé Vital Kamerhe visiblement atteint dans son amour propre.

Comme pour s’attirer la sympathie des avocats de la République, le directeur de cabinet accuse le conseiller Ecofin de critiquer le programme du chef de l’Etat et de se comporter en électron libre parce que frère et ami du président de la République qui parle la même langue que lui.

Avant de terminer par cette interrogation : « Combien des notes techniques, monsieur Bilomba a produit après avoir reçu les 50 dossiers que je lui ai fait parvenir ? »

Ces menaces n’entament en rien la sérénité de Marcellin Bilomba qui répond avec la même pugnacité : « Le dircab est distrait ! Je produis plus de 50 notes techniques chaque semaine, monsieur ».

Et comme vider ses cartouches, le conseiller Ecofin a dégainé en affirmant que « On a décaissé d’une manière partitionnée un total de 66,7 millions dollars au lieu de 57 millions Usd au profit de Samibo ».

Et pour ne pas parler sans preuve, il verse au dossier une pièce comptable de la BCC, que  la défense Jammal conteste rapidement en disant : « Le document du conseiller principal n’est pas loin d’un faux, car ne porte pas de signature ». Avis que ne partagent pas les avocats de la République qui dispose déjà de la pièce.

Au moment de quitter le tribunal, Marcellin Bilomba a sollicité des mesures spéciales de sécurité parce que, selon lui, des badauds l’attendaient dehors pour lui faire la peau du fait de son témoignage. Ce qui lui a été accordé par le juge président.

Il fait dire que l’audience s’est ouverte sur la déposition du directeur général ai de la Direction générale de contrôle des marchés publics (DGCMP). Ngongo Salumu a expliqué que l’avenant qui a permis le décaissement de 57 millions de dollars américains au profit de la société Samibo Congo Sarl n’était pas régulier. Avant d’ajouter que la DGCMP n’a jamais reçu de contrat signé entre la République et l’entreprise Samibo du Libanais Samih Jammal.

Dans ces entrefaites, Vital Kamerhe, directeur de cabinet du chef de l’Etat et hommes orchestre dans cette affaire du prétendu détournement des deniers publics, est revenu à la charge pour marteler que le projet exécuté par l’entreprise Samibo est le même que celui conclu par Justin Bitakwira, alors ministre du Développement rural, et qui avait obtenu l’avis de non objection de la DGCMP.

« En ce qui concerne le contrat qui avait été signé par le ministre du Développement rural, M. Justin Bitakwira, l’autorité contractante agissant au nom et pour le compte de l’Etat congolais adressé au DG ai de la DGCMP, cette question doit être clarifiée entre Bitakwira, ministre de l’époque et M. Ngongo. Il n’a pas reçu mon courrier en ce qui concerne le marché précédent, celui de 1500 maisons », a placé V. Kamerhe.

 

Henri Yav

Mutombo BCC

Décaissements en procédure d’urgence

Appelé à la barre, le ministre honoraire du Budget, Pierre Kangudia, a d’abord précisé qu’il n’a jamais fait partie de l’équipe de supervision du programme de 100 jours comme l’aurait prétendu le prévenu Vital Kamerhe à la première audience. Il a ensuite expliqué à l’attention des juges que durant l’exécution du programme de 100 jours, tout passait par le directeur de cabinet du chef de l’Etat et aucune dépense ne pouvait être engagée sans autorisation.

«Je n’ai jamais entendu parler de l’équipe de supervision avant la tenue de ce procès. Pour le paiement, le dossier était traité en place une procédure d’urgence, qu’il n’est pas passé par le ministre de Budget, mais plutôt devant le ministre des Finances qui était le premier à me saisir pour la régularisation de cette dépense-là. Pendant ce temps, 37 millions de dollars avaient déjà été payés en procédure par urgence », a éclairé le ministre Pierre Kangudia.

 Propos qui ont poussé Vital Kamerhe à réagir en réaffirmant que Pierre Kangudia était bel et bien du comité de supervision du programme de 100 jours du chef de l’Etat.

Invité comme 5ème renseignant devant le tribunal, Henri Yav Mulang, ministre honoraire des Finances du gouvernement Tshibala, reconnait avoir payé en partie sur base des réserves de changes de la Banque centrale du Congo (BCC) en procédure d’urgence la société Samibo Congo Sarl pour l’exécution du contrat.

Le gouverneur de la BCC a, pour sa part, précisé que sa tâche principale dans ce dossier a consisté au paiement. Quant à la banque choisie par la BCC pour le versement des fonds au compte de la société Samibo, Degratias Mutombo Mwana Nyembo a fait savoir que c’est la RawBank qui était la correspondante parce qu’elle avait plus de devises. Mais à la surprise générale, la BCC apprendra lors des audiences au niveau du parquet que le paiement à la RawBank n’était versé à Ecobank où était logé le compte de la société Samibo Congo Sarl.

 

Luhaka

Un communiqué qui paralyse

A son tour, Thomas Luhaka, ministre des ITPR assumant l’intérim du ministre de l’Urbanisme et Habitat, a indiqué avoir participé à deux réunions dans le cadre du programme d’urgence du chef de l’Etat. Réunions au cours desquelles, cependant,  les décaissements des fonds, pour les maisons préfabriquées y compris pour les infrastructures, n’ont jamais été évoqués.

« Au cours de deux réunions auxquelles j’ai participé à la présidence, on n’a jamais parlé de 1500 maisons. Le dossier habitation n’a jamais été évoqué. Au mois de février, nous avons été totalement inhibés  comme ministres par un communiqué officiel venant de la présidence de la République signé du directeur de cabinet du chef de l’Etat. Il nous était totalement interdit d’ordonner les décaissements des fonds sans l’autorisation préalable de la haute hiérarchie.

 Propos auxquels a vite réagi Vital Kamerhe, directeur de cabinet du chef de l’Etat, en affirmant que ce communiqué visait le contrôle strict des dépenses publiques.

« Chaque fois qu’un gouvernement tombe, il expédie les affaires courantes et on reste dans les dépenses courantes. On suspend toutes les dépenses non contraignantes », a placé  V. Kamerhe.

Pour ce qui est la cession de la concession de 50 m sur 100 à Soraya Mpiana dans la baie de Ngaliema, par l’homme d’affaires Samih Jammal,  le conservateur des titres immobiliers (CTI) de Ngaliema, a d’abord relevé qu’il a fait l’objet de précisions en vue de l’exécution de cette cession.

Devant la barre, le CTI de Ngaliema a affirmé n’avoir jamais assisté à une transaction d’argent entre Jammal et Daniel Nkingi dit Massaro.

« Sincèrement, j’ai subi des précisions qui venaient de partout, pour que je puisse finir rapidement le dossier. D’abord, des agents de l’ANR, puis du chef de division de cadastre Donat Kanyingisha qui a mis la précision pour accélérer le dossier, ensuite le ministre des Affaires foncières qui a appelé pour que je puisse vite clôturer ce dossier », a renseigné le CTI.

Daniel Nkingi

Le show de Massaro

Cité dans ce dossier pour avoir fait pression sur le CTI, le ministre Aimé Molendo Sakombi a rejeté en bloc toutes les accusations portées contre lui.

De son côté Daniel Nkingi alias Massaro, cousin du directeur de cabinet du chef de l’Etat, a renseigné que pour la cession de la concession de la baie de Ngaliema, qu’il ne s’agissait d’une cession de l’homme d’affaires libanais mais plutôt d’un achat conclu en bonnet due forme.

« Moi, j’ai un acte de vente qui n’est pas signé par M. Jammal mais par celui auprès de qui Jammal avait acheté un terrain pour mon compte. J’avais remis de l’argent à l’homme d’affaires libanais pour me procurer ce terrain mis en vente par lui. La confusion autour du nom de Soraya, M. président, cela vient de moi Massaro parce que M. Jammal avait promis de m’octroyer, en dehors du terrain acheté, un autre lopin de terre une fois le document régularisé. En sortant de son bureau, il m’a dit : « Tu es rare. Dis-moi avant de disparaitre, au nom de qui veux-tu que je mette la concession que je compte t’offrir ? J’ai donc répondu à papa Jammal de la mettre au nom de Soraya Mpiana », a mené en bateau Daniel Massaro la composition, sans convaincre.

Amida Shatur

Appelée à justifier un montant de plus d’un million de dollars logé dans son compte 2019 dernier, Amida Shatur, épouse de Vital Kamerhe, s’est défendue en ces termes : « Effectivement, j’ai effectué plusieurs dépôts sur mon compte dans l’année. Juste après mon mariage avec mon mari, nous avons reçu plusieurs enveloppes d’argent. Le total donnait plus 862 000 dollars, 33 000 euros, 10 millions de CFA, 4 véhicules 4x4, des bijoux... J’ai commencé à mettre progressivement cet argent sur mon compte Epargne, sur mon compte Euro et sur mon compte courant. Au courant de l’année dernière, j’ai eu à conclure deux ventes et j’en ai conclu une dernière au mois d’octobre ».

 

 Les plaidoiries prévues le 11 juin

Justin Kamerhe, frère de Vital Kamerhe et coordonnateur adjoint de la commission, entendu par les juges a fait savoir que la commission n’a jamais cherché le prix des maisons sur Google, juste le poids de la société suffisait.

Vers la fin de la série, c’est le député provincial UDPS Peter Kazadi qui vient, à son tour, charger le directeur de cabinet qui a agi en homme seul dans le dossier Maisons préfabriquées.

« Nicolas Kazadi était présenté comme le coordonnateur de la commission de supervision, mais tous nous dépendions du dircab. Et au niveau de la commission, on n’a jamais traité la question des maisons préfabriquées. Notre travail consistait à descendre sur terrain pour suivre l’évolution. C’était plus un travail politique que technique parce que nous ne disposions pas de compétences pour procéder à l’évaluation technique des ouvrages », a confessé le député Kazadi.

Avant de renchérir : « Au niveau de notre commission, nous n’avons jamais participé à la conception de ce programme ».

A exactement 22h30’, le juge président Pierrot Bakenge Mvita a levé la séance pour renvoyer la cause au jeudi 11 juin pour les plaidoiries.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
société, environnement, économique de la RDC
Publicité
Archives
Publicité