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société, environnement, économique de la RDC
17 août 2019

Jacques Tshimbalanga : « Nous demandons aux parents de ne rien verser dans les écoles en attendant les résolutions du forum nati

 

A quelque 14 jours de la rentrée des classes, parents d’élèves et gestionnaires d’établissements ne savent comment va se gérer la question de l’éducation en cette année scolaire 2019-2020. Le chef de l’Etat s’est engagé à garantir la gratuité de l’enseignement fondamental et les deux années du secondaire général dans les écoles publiques comme stipulé dans la Constitution du pays. Une table ronde réunissant tous les partenaires du système éducatif congolais a été convoquée au 12 août pour examiner tous les contours de la mise en œuvre effective de la mesure portant gratuité de l’éducation de base. L’initiative est plombée par des pesanteurs difficiles à identifier alors que les travaux préparatoires ont été bien menés jusque-là. Pour répondre à toutes ces questions, Le Potentiel a interrogé M. Jacques Tshimbalanga, coordonnateur de la Coalition nationale de l’éducation pour tous, CONEPT RDC. Cet acteur de la Société civile du secteur de l’éducation, partie prenante aux travaux préparatoires de ce forum national croit, dur comme fer, que la gratuité est possible dès la prochaine rentrée des classes. Même s’il paraît irréaliste de prendre entièrement la question de la gratuité en une année, il est néanmoins possible de poser les jalons. « Le gouvernement doit sélectionner les différentes charges à impacter dans le collectif budgétaire en cours de préparation pour prendre totalement en charge à partir de l’année 2020 certaines tâches régaliennes (rémunération des enseignants, fonctionnement des écoles, financement des bureaux gestionnaires…) et pondérer d’autres charges en 2021 », suggère Jacques Tshimbalanga.  

En tant que défenseur du droit à l’éducation, la Société civile est prête à accompagner la volonté politique du chef de l’Etat jusqu’à son application, parce que  cela rencontre le cri des enfants, des parents et défenseurs du droit à l’éducation. Cependant, elle invite les parents d’élèves à ne rien verser dans les écoles en attendant que la table ronde sur la gratuité ne rende ses conclusions. Cette table ronde est l’occasion de mettre ensemble tous les partenaires éducatifs pour discuter de la question qui est aujourd’hui névralgique dans la gestion de l’éducation en RDC.

Interview.

Propos recueillis par St Augustin K.

 

TSHIMBALANGA

Gratuité de l’enseignement fondamental est-elle possible au 2 septembre prochain ?

Je sais qu’il y a de doute sur la faisabilité de la gratuité dès la rentrée scolaire 2019-2020. Pour l’année scolaire 2019-2020, c’est possible non parce que c’est un droit garanti par la Constitution mais aussi parce qu’il y a un engagement politique ferme du chef de l’Etat. Et nous pensons que le président de la République a effectivement instruit le gouvernement. Il est vrai que prendre en charge l’entièreté de la question de la gratuité en une seule année, il y aura certainement des problèmes d’ordre budgétaire. Nous pensons que c’est l’occasion quand le pays est en train de préparer le budget 2020, il est possible de réaliser bien des choses. Mais dès à présent, il est question de poser les jalons pour une prise en charge de cette gratuité sur financement interne. Il faut tout simplement cibler des actions clés à mener, notamment se poser de savoir pourquoi les parents payent beaucoup d’argent à l’école de leurs enfants. La réponse est la suivante : les parents contribuent à la rémunération des enseignants, au fonctionnement de l’école et au financement des bureaux gestionnaires. Tout cela constitue une charge régalienne de l’Etat.

 Le gouvernement doit sélectionner les différentes charges à impacter dans le collectif budgétaire en cours de préparation pour les prendre totalement en charge à partir de l’année 2020 et pondérer d’autres charges en 2021.

La gratuité est question de volonté politique, qui manque dans le chef du gouvernement. Le ministre ai. de l’EPSP a initié une circulaire qui supprime quelques frais, sans réel impact à la place d’appliquer la gratuité intégrale.

C’est là que la table ronde ou l’espace politique pour créer un consensus  national autour de la question est importante. Dans la circulaire du ministre, nous avons noté quelques avancées. En supprimant ces frais-là, c’est déjà un pas vers la gratuité. Mais au-delà, il y a un autre pas à marquer, notamment la suppression des frais des évaluations (Tenafep, l’examen d’Etat) qui sont déjà budgétisés. D’autre part, au niveau de l’éducation de base, les parents ne doivent rien payer à cet effet.  On comprend qu’il y ait des difficultés, mais ce qui dérange ce qu’il y a dans ce pays des gens dans l’administration qui ont développé l’économie de la cueillette autour des parents. Pour s’enrichir, il faut aller vers l’éducation et pomper un certain nombre de frais et on se la coule douce. Au moment où nous menons ce combat pour la mise ne œuvre effective de la gratuité, il y a encore des gens qui jouent au protectionnisme qui veulent pérenniser les vieilles méthodes. Ces personnes se recrutent au sein de l’administration publique, au sein de l’administration scolaire, voire parmi les politiciens, notamment les gouverneurs de province qui prennent des arrêtés pour fixer des frais, même au niveau de l’éducation de base, en y insérant une quotité pour le gouverneur, l’administration provinciale, les gestionnaires notamment pour des écoles conventionnées. La mise en application de la gratuité doit bouleverser les mœurs. La population doit rester éveiller pour  décourager ces pêcheurs en eaux troubles.

Elèves

Combien vaut la prise en charge effective de la gratuité ?

La prise en charge effective de la gratuité ne vaut pas moins de  2,9 milliards de dollars américains par an. Le pays a les moyens de mobiliser cet argent. Si dans ce pays, tout le monde reconnaît que nous perdons chaque année au moins 15 milliards de dollars dans la fraude fiscale et els arrangements fiscaux illicites, c’est-à-dire c’est de l’argent qui entre dans les poches des individus. Il est donc possible que si l’Etat s’organise bien. Le prochain gouvernement doit mettre en place la tolérance zéro en ce qui concerne les actes de corruption,  les antivaleurs dans la mobilisation des ressources de l’Etat et mène un combat sans merci contre la corruption des riches. Avec une justice responsable, même sans l’appui extérieur, l’Etat peut mobiliser plus de 12 milliards de dollars américains. Et si on atteint la barre de 12 milliards et que l’Etat consent à affecter 20% de son budget à l’éducation, on aura plus de 2,4 milliards de dollars affectés à l’éducation.

Des ressources ne manquent pas dans ce pays. C’est plutôt la gabegie financière qu’il faut combattre. Une autre possibilité qui s’offre à nous, c’est le développement des ressources alternatives et innovantes.

De quoi sont faites ces ressources alternatives et innovantes ?

 L’état peut accepter de prélever une quotité dans les recettes sur les ressources naturelles,  sur la téléphonie mobile, etc. pour créer un fonds indépendant à investir dans  l'éducation. Avec cela, on ferait un bon mariage entre la gratuité de l’éducation qui promeut l’accès à l’éducation et la qualité des apprentissages.  On sait que l’arrivée de beaucoup d’enfants à l’école va s’accompagner de la détérioration de la qualité, si on n’y prend garde.  La seule manière de protéger la qualité, c’est d’investir dans les intrants pédagogiques pour permettre à ce que l’enseignant ne manque de rien pour appliquer les nouvelles méthodes ; la formation des enseignants soit assurée ; le flux d’enfants, corollaire de la prise en charge de cette gratuité, rencontre une politique de construction des infrastructures scolaires de manière à résorber cette masse d’enfants en dehors de l’école et le ratio enseignant-élève soit maîtrisé. Si on peut investir sur la mobilisation des ressources sur le plan traditionnel d’un côté et de l’autre, l’Etat lutte contre la corruption, cela aura pour effet de booster les recettes de l’Etat. Ce qui va entraîner l’augmentation sensible de la part du budget à affecter à l’éducation comme l’Etat a pris l’engagement d’allouer au moins 23,5% du budget national à l’éducation d’ici à 2020 et si donc on est au-delà de 10 milliards, il est possible de garantir la gratuité de l’éducation fondamentale plus les deux ans du secondaire.

Le gouvernement a convoqué un forum pour la mise ne œuvre de la gratuité annoncé pour le 12 août 2019. Qu’en est-il au juste ?

La Société civile du secteur de l’éducation est impliquée dans la préparation de ce forum. Mais, il ne faut pas que ce gouvernement qui arrive répète les tares que nous avons décriées en multipliant des ratés. Nous avons très bien commencé la préparation avec l’implication de la Présidence de la République, via le conseiller du chef de l’Etat en charge de l’éducation jusqu’au jeudi 15 août. Sans explication, il a cessé de participer aux travaux, avec le ministre ai. De l’EPSP et les émissaires des ministères du Budget et ceux des Finances. La commission préparatoire a apprêté tous les matériaux nécessaires à la tenue de ce forum. Nous avons attendu la date du 12 août prévue pour le lancement des travaux. Grande a été notre surprise, sans communication officielle pour nous signifier que la réunion est reportée sine die ou à telle date ou encore il y a  blocage à tel ou tel autre niveau, on a simplement constaté la disparition de tout ce beau monde.  A ce jour, personne n’a l’information  sur cette question. La présidence de la République qui ale devoir de faire respecter la promesse du chef de l’Etat et doit se prononcer au plus vite sur le début de travaux du forum. Si on ne veut plus de ce forum, on doit avoir le courage de dire à la nation pourquoi on n’en veut plus pour qu’on prenne des dispositions qui s’imposent.

Nous invitons  donc la présidence de la République à s’activer avec le gouvernement pour mettre en place cet espace de dialogue qui va construire un consensus. Ne pas le faire, c’est lancer une année scolaire qui va démarrer avec beaucoup de difficultés. Les enseignants se disent non concernés par ces discussions se plaignent pour avoir été marginalisés dans la préparation de ce forum. Et dans ces conditions, la Société civile demande aux parents de ne rien verser dans les écoles tant que nous n’aurons pas de résolutions de ce forum car, à ses yeux c’est cette table ronde qui donnera la balise et le contenu de ce que va être accepté et porté par tous les partenaires éducatifs. Que les parents ne cèdent pas à aucune tentation de payer quoique ce soit dans les écoles en attendant les résolutions de la table ronde sur la gratuité convoquée par le gouvernement. Il faut que tous les partenaires éducatifs puisent construire un consensus autour de cette question pour que nos enfants et les enseignants arborent le sourire dès le 2 septembre prochain.

 D’autre part, le gouvernement a travaillé avec les enseignants à Bibwa pour produire un protocole d’accord qui doit être signé pour que toutes les parties prenantes s’engagent à fond.

Le 2 septembre, c’est dans quelques jours. N’avez-vous pas initié des démarches pour savoir à quel niveau se situe le blocage à la tenue du forum national ?

Nous estimons qu’il y a eu un déficit de communication qui peut être surmonté. Nous invitons tous les acteurs impliqués dans ce blocage inutile qui risque d’envenimer la situation de se dédouaner et de convoquer rapidement cette table ronde qui est attendue aussi bien par les enseignants que par les parents, mais beaucoup plus par les enfants qui veulent arborer le sourire le 2 septembre prochain en allant à l’école, surtout avec l’engagement du chef de l’Etat à garantir la gratuité de l’éducation fondamentale. Nous, en tant qu’organisation de la Société civile et défenseur du droit à l’éducation, sommes prêts à accompagner cette volonté politique jusqu’à son application. Cela rencontre le cri des enfants, des parents et défenseurs du droit à l’éducation. Cette volonté répond à un besoin de la population. Nous sommes prêts à l’accompagner non seulement par des revendications mais aussi en apportant  notre réflexion. Pour ce faire, nous avons déjà développé une étude importante sur la manière dont l’Etat peut financer de façon alternative l’éducation en promouvant un financement durable, innovant et écologique du point de vue du droit à l’éducation de sorte qu’il y ait plus d’investissement dans l’éducation.

 Et s’il arrivait qu’au 2 septembre cette table ronde sur la gratuité ne se tienne pas, quelle attitude à adopter ?

Nous ne sommes pas négativistes, car nous croyons que le résultat essentiel, forum ou pas, est que les signaux forts engageant dans des changements radicaux pour l’accès des enfants à l’éducation et la mise en œuvre effective de la mesure portant gratuité, soient clairs dès le 2 septembre prochain. C’est d’abord ce résultat qui compte. En même temps, nous croyons que rater la tenue de ce forum, l’Etat gaspillerait beaucoup, parce que cette table ronde est l’occasion de mettre ensemble tous les partenaires éducatifs pour discuter de la question qui  est aujourd’hui névralgique dans la gestion de l’éducation. C’est l’occasion de  développer un consensus national autour de la question. Rater cette occasion, c’est taper à côté, car le mode de gestion de l’éducation dans notre pays est partenarial. Si l’Etat veut fait cavalier seul, en affrontant ce problème seul, il va certainement rencontrer des difficultés. C’est certes le gouvernement mais il ne représente pas à lui seul l’Etat. Il y a aussi les citoyens membres de la communauté nationale, tous ceux qui portent la nation dans leurs cœurs et veulent travailler à la promotion de l’éducation, l’Etat de droit où tout le monde trouve sa place. Nous sommes en train d’encourager le gouvernement à ne pas se détourner de la voie de la tenue de cet espace de dialogue appelé table ronde, peu importe le nom qu’on veuille donner à ces assises. On ne peut pas construire un consensus en faisant cavalier seul, c’est impossible de construire un consensus dans un système où le mode de gestion est partenarial.

TSHIMBALANGA 3

Au niveau de la CONEPT RDC, vous avez initié une pétition sur la gratuité, où en est-on aujourd’hui ?

La pétition en faveur de la mise en œuvre effective de la gratuité de l’éducation de base et la suppression des frais de scolarité non pertinents au niveau de l’enseignement secondaire a déjà récolté 1,5 million signatures. Cela signifie qu’il y a une très forte mobilisation autour de la question de la gratuité. Et les signatures ne sont pas que de Kinshasa, mais aussi du territoire national. Cela signifie aussi que la communauté nationale est mobilisée autour de cette question. Aller en marge de cette volonté, signifie que le gouvernement est en train d’inoculer le venin de frustration parmi la population. Nous sommes en train d’amener le gouvernement à comprendre que la population est engagée derrière cette question. Entamer la mise en œuvre de la gratuité, c’est obtenir le soutien de la population. Ne rien faire pour la mise en œuvre de cette gratuité, c’est s’attirer les foudres de la population qui souffre en silence depuis 27 ans. Nous demandons aux parents de demeurer en veille et surtout de publier ce qu’ils paient à l’école de leurs enfants pour un suivi de la Société civile.

Dans notre contrat social avec l’Etat, en tant que citoyen, nous acceptons de payer les impôts, taxes et redevances à l’Etat qui, à son tour, a le devoir d’organiser pour les citoyens des services sociaux dont l’éducation de nos enfants. Que l’Etat ne nous demande pas de payer à la fois les frais de scolarité de nos enfants dans le secteur public et les impôts, taxes et redevances.

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